31 mars 2023

" Ail de saison "




Personne ne connait la Confrérie Royale de la gerbe d'ail et du chabrot lomagnol et pour cause, la Lomagne est autant connue, en ce lieu, par son rugby que par ses produits. Vieille bastide du XIIe siècle où naquit Pierre de Fermat, éminent mathématicien, elle reste depuis un siècle la fierté rugbystique du terroir au même titre que ses produits locaux dont l'ail blanc est le plus connu depuis le XIIIe siècle. Déclinaison futile des anciens du Stade Beaumontois, les Pan Tintat ("pain aillé") furent 3 fois Champion de France UFAR. Le tournoi aura lieu à Pentecôte cette année pour honorer le dernier titre de Champion en cours où les joueurs viendront combiner agapes et ovale pour le plus grand bonheur du village. Similitude de la terre et du jeu, l'ail se plante à l'automne pour être récolté en juin. Aujourd'hui, les Bleus et Blancs n'ont plus la renommée des anciens dont le plus connu fût Max Barrau. Ils sont actuellement en Fédérale 2. Vous l'avez compris, l'ail et le rugby sont indissociables sur la terre de mon enfance. J'avais 5 ans et j'occupais la petite cahute au bord du terrain où siégeait mon Père, Médecin du club. J'ai donc pu m'énivrer largement des bienfaits humains et de la tendresse que transmet le rugby en terre Lomagnole. L'ascension de l'équipe, Championne de France Juniors en 1965, sous la coupe de Marceau Ambal, permit à tous les bénévoles et à toute la population de vivre dix ans de pur bonheur. Les samedis, jour de marché et le dimanche, étaient le point d'orgue d'une semaine de labeur et de sueur. 1970, 8e de finale du championnat de France 1ère division, au Stadium de Toulouse, Agen nous a battus non sans remous, et tricheries orchestrées par Albert Ferrasse et son mouchoir blanc. J'étais près de lui pour l'avoir vu faire et j'étais subjugué par la liesse populaire et la révolte des chouans lomagnols volés par l'aristocratie lot et garonnaise. Un match ultra dominé par Beaumont devant, avec 3 essais refusés qui coutèrent une clavicule à Pierre Barrau 3e ligne alors que Dehez se prêtait au jeu des drops et des pénalités instrumentalisées. Un merveilleux souvenir, transcendant devant 50 000 personnes ou plus dans un stade acquis à la cause beaumontoise. Cette ferveur pigmentaire, ubuesque et bonne enfant, je l'ai retrouvée en 1995 quand le XV de France a battu les All Blacks en test match à Toulouse. C'était, ce jour là, mon premier contrôle anti-dopage comme assesseur, fructueux car les Blacks étaient positifs. Ils ont bénéficié d'un vice de forme pour annuler la procédure. Mon confrère Black me remit à cette occasion une fougère argentée religieusement conservée dans mes bibelots. Depuis, l'ovale a fait sa chrysalide avec plus ou moins de bonheur et l'ail continue de pousser au fil des saisons. Ravi de donner une suite à mes écritures passées sur le rugby, cette première chronique en appellera d'autres auxquelles vous pourrez participer. Une façon différente de sentir et d'écrire le rugby sans prétention aucune ou la convivialité sera le métronome et le maître mot du jeu. N'hésitez pas, partagez le fruit de la passion, celle des tribunes et du terrain.