06 septembre 2025

Vendanges


Alors que Fructidor s'étiole lentement, Vendémiaire arrive sans crier mot avec les fameuses vendanges.

Jadis, l'école ne recommençait que fin septembre, laissant le temps au temps de nettoyer la terre pour les semences d'hiver et les jachères mais aussi de pouvoir récolter les fruits d'un été capricieux ! J'ai le souvenir avec mon grand-père de ramasser les grappes avec un sécateur, de les mettre dans une comporte avant de se retrouver au chais. Cela relevait d'un cérémonial bien précis, demandant de l'habileté, de la persévérance et de la robustesse car les journées étaient longues souvent dictées par la couleur du ciel ! Les grappes étaient ensuite triées ne gardant que le raisin ferme et mûr filtré par un oeil attentif, un coup de main averti et une cadence rapide. Une fois achevé, la presse entrait en action distillant un jus parfumé, jaunâtre ou vineux selon le raisin et tout cela partait dans des cuves en chêne. A la fin, nous piaffions d'impatience pour aller dans le pressoir piétiner la lie, sorte de rituel qui permettait de récolter un jus mis à part pour faire ces vins d'apéritifs ! A la bougie, nous revenions mettre les pieds sous la table, affamés certes mais pas très longtemps car le sommeil arrivait plus vitre que la Lune. 

Vendanges et rugby ne font qu'un dans mon cœur tellement il existe de similitudes. La mécanisation à outrance, la météorologie, la science, font que les vendanges sont encore l'apanage de Fructidor mais que les grands châteaux ont gardé quasi intact les traditions séculaires ! Et le parallèle avec le rugby est une évidence certaine si l'on déguste les grappes et les mots ! J'attendais cette période avec impatience pour renouer avec la Championship, instant phare de l'été ou les grands châteaux préparent leurs millésimes. Pas déçu de la dégustation de cette orgie ovalesque en ce torride mois d'août. 

Rien n'était moins sûr de gagner ou de perdre et les staffs ont pu mesurer que le piedestal n'est qu'une illusion passagère pour laquelle les recettes de cuisine doivent être améliorées, peaufinées et que la matière première, tout comme le raisin, ne doit rien laisser au hasard. A ce jeu, les Australiens et les Pumas ont su tirer profit des préparations pour nous montrer que les cuvées se bonifient avec le temps et la méthode. Concernant nos gauchos, beaucoup d'entre eux évoluant en top 14, on sent bien que leurs expériences au sein des clubs français reflètent bien l'évolution attendue d'un rugby plus moderne. Les All Blacks, dans leurs dimensions planétaires, en ont fait les frais tout comme les Bocks qui ont connu comme jamais une remontada historique des Kangourous ! 

Aujourd'hui, le jeu se précise et se modifie avec un espace fermé voir très fermé ou les défenses pulvérisent toute intention d'attaque laissant donc la place au jeu au pied par-dessus de façon trop systématique. Les Bocks ont perdu et Erasmus est tombé de son piedestal. A mon sens, la chute va se prolonger s'il ne change pas la méthode laissant la place à des jeunes, à des gazelles au détriment de joeurs certes expérimentés mais usés. Les Aussies ont gagné à la Pyrrhus surtout en 2e mi-temps ou ils produisent un maximum de jeu. Quelle paire de centres, discrets, puissants et efficaces vu le nombre de ballons touchés ! Je continue à penser que Schmitt tient le bon bout tout comme Robertson et que le Pacifique sera présent au rendez-vous de 2027. 

Alors, comme les vendanges, comme le château Yquem, il faut du temps, des vignes, un terreau fertile et soigné, de l'expérience, de la sagesse, de l'humilité pour que le flacon soit une ivresse ! Marivaux disait ; " Cueillez la grappe pendant qu'elle pend, on ne fait pas toujours vendange".