16 décembre 2024

Rugby et Gangrène

Depuis la nuit des temps, le sport a trainé derrière lui des tragédies de toutes sortes. Je ne reviendrais pas sur l’Antiquité et les jeux de Rome, temple de la perfidie humaine ou les performances n’ont eu d’yeux que pour les divinités et les empereurs. Plus proches de nous, en l’espace d’une peu plus d’un demi-siècle, le rugby a transformé des us et coutumes de vie en gangrène. Cette gangrène, chère à Louis XIV, dont il mourut dans des souffrances atroces laissa indifférent son petit fils Louis XV plus adepte de frivolités que de gouverner. L’histoire se répète toujours. Je me souviens en Lomagne, les avants matchs étaient copieux en graisses, viandes et alcool mais aussi après matchs ou les boissons coulaient à flots chez les supporters. Cette tradition séculaire de bien manger et de bien boire qu’on dénommait "banquet" depuis la royauté remonte à Platon, discours portant sur la nature et les qualités de l’Amour ! C’est dans ces discours que l’on retrouve le "mythe" des humains doubles ou entiers qu’étaient le mâle, la femelle et l’androgyne. Malheureusement, la pensée de Platon a été travesti au fil du temps. Bien plus près de nous, chacun connait l’importance des 3e mi-temps sur tout depuis l’avènement du rugby professionnel. La transgression de tous les codes, l’absolu impunité du tout permis. Combien de jeunes et moins jeunes morts au petit matin sur la route. Je pense à Boniface en particulier. Mais l’actualité a vite fait de rattraper cette chappe de plomb devenue insupportable. Tout d’abord, pour mémoire, Christchurch, 2013, avec la table de nuit avec laquelle Bastareaud s’est cogné dans un contexte d’ivresse profonde dans les bas-fonds de quartiers peu recommandables. Edimbourg, 2018, défaite et soirée plus qu’arrosée par certains internationaux du XV de France finissant en bagarre de rue et au commissariat. Le bouquet final, 2024, ou 2 joueurs furent visés par une procédure judiciaire pour viol aggravé sur fond d’ivresse aiguë et probablement de stupéfiants. Acquittés, ils sortent "a hombros" avec un non-lieu. Magnifique pour la France et le rugby. Et la cerise sur le gâteau, pour "un viol en réunion" commis en 2017, un soir d’après match de top 14. 3 rugbymans écopent de 12 à 14 ans de réclusion criminelle et les 2 autres, 4 ans et 2 ans. La gangrène a frappé lourdement notre sport, trop sûr de lui, trop pernicieux dans ses dérives. Bien entendu, toutes ces affaires ont un point commun l’alcool, ivresse aigue voir chronique de nuits profondes funestes. Le mal est fait, il est su et maintenant connu sur la place publique. Image d’une certaine décadence sociétale du "no limit", la guillotine est tombée lourdement. Quelle sera la position de la FFR qui défend nos deux argentins ou la LNR préoccupée par les élections de 2025 ? Sans parler des journalistes toujours présents pour le croustillant bien moins pour l’éthique et la morale. Reste qu’au-delà de l’alcool, personne ne parle des stupéfiants (cocaïne, tramadol, GHB, corticoïdes, amphétamines, anabolisants…). Méafua, Montalbanais, joueur de Pro D2, décédé en sautant d’un pont en 2022 sous l’emprise de l’alcool bien sûr et de stupéfiants selon la toxicologie. Un beau cercueil, un beau discours et motus collectif. Alors, oui, l’alcool tue bien plus que la commotion cérébrale et n’est pas digne de sportif de haut niveau. Tout le monde se souvient surement de Marc Cécilion, rongé par l’alcool jusqu’au coup de feu fatal. Et Dominici, un suicide contenu … Il est grand temps de revoir la copie sur toutes ces pratiques, ces mœurs, et ces non-dits ou nous sommes des complices avertis. La gangrène est redoutable et le traitement pire. "Le drepou est à l'âme ce que la gangrène est au corps : un poison qui vous ronge de l'intérieur jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien".