Noir où Bleu
Noël est arrivé en avance cette année pour sublimer ce moment intemporel et unique qu'est France All Blacks. Oui j'y étais, juste au dessus de la cabanne des Blacks avec Sir John Kirwan à mes côtés. Moment solennel d'une vie ou 25 ans d'espoir, de patience et de travail s'oublie devant une telle féérie. Oui, tel un dieu, le stade de France s'est métamorphosé en mythique Dyonisos, de par son enceinte et non parcequ'il est le dieu du Vin et de l'Ivresse. Noir et Bleu, par un éclairage féérique en mode clair obscur sur la pelouse, a mis en lumière le Haka dans un silence digne des dominicains. Dame Lune n'avait plus qu'à donner l'étincelle attendue pour que rayonne le spectacle de mille feux. Saveur ultime que d'écouter Kirwan et les remplaçants assis au dessus de moi reprendre le Kapa O Pango en coeur. Mieux encore tous les remplaçants et blessés se sont arrétes devant ce monument vivant qu'est Sir Kirwan, le saluant avec respect et, à chacun d'entre eux sans exception, il aura un petit mot. Cette simplicité, ce sourire naturel derrière des lunettes de rock star, cette élégance, m'a fasciné montrant a quel point les racines sont là, bien ancrées et belles à déguster. La soirée prenait donc une autre dimension, inattendue, inoubliable, à côté de cette icone du rugby me rappelant ce souvenir de 2006, sur les toits de Gerland ou je découvrais Johna Lomu dans un match à sens unique. Plaise à dire que de l'autre côté du tunnel des gladiateurs siégeait l'establishment français, morose, sans saveur, ni odeur. Le contraste était frappant digne d'une série noire ou l'on sentait qu'une défaite serait synonyme du son du glas pour certaines têtes. Le pire, que personne ne voit, c'est d'observer tous ces courtisans de la fédération, imbus de leurs responsabilités d'un soir, oeuvrés pour une symphonie en sol mineur. Pire, le bonnet rouge digne du commandant Cousteau, était dans le viseur des caméras de la "Komandatur" nécessitant de montrer mon accréditation et de le retirer par transparence ! Quid du match. Sans surprise, dominé par les "Noirs" dans tous les compartiments de jeu avec un passage à vide en début de 2e mi-temps qui leurs coûtent la victoire. Se faire un croque en jambe à la 60e et 70e en ne donnant pas des ballons d'essais a fustigé la colère de mon voisin, John, ecoueré d'un tel individualisme qui résonne faux dans les gènes de la "Fougère argentée". A sa décharge, faute de produire du jeu, la défense "Bleu" fût héroique de bout en bout avec assez peu de fautes au final. John, avec humour, me serra la main pour cette victoire et son contact me donna encore plus le goût et la saveur d'aller aux antipodes pour partager la culture de l'ovale argenté. La victoire, comme si c'était "la libération de Paris", laissa place à l'euphorie sur le parterre des officiels dans lequel je me suis infiltré pour serrer la main de quelques personnalités dont le 1er Ministre et le Président Grill qui félicitaient Fabien Galthié tout sourire et dilétante. "Panem et circenses" pour cette tournée d'automne, tant pour l'équipe de France que pour le public, illuminés par le jeu des couleurs et par la musique énivrante. Du "Noir" de la coupe du Monde, nous sommes passés au "Bleu" de l'inutile tellement l'enjeu est futile, grotesque et sans lendemain. Une fois de plus, notre hilarité de gaulois nous perdra dans la cascade des matchs amicaux, révélatrice plus de nos faiblesses que de nos forces. Si Bachelard disait que "le noir est le refuge de la couleur", je retiendrais ceci “entre les croquis et la toile, la couleur fait foi de tout, la couleur crée l'émotion et laisse jaillir l'étincelle de la création" (Norman Reid). Le Noir fût le symbole de ma soirée après 25 ans de couleurs diverses et variées.